En 1968, sortait en salle 2001 : l’Odyssée de l’espace. Film culte donnant la vision du réalisateur Stanley Kubrick d’un futur galactique que nous savons aujourd’hui bien loin de notre réalité. Event[0] se situe dans la même veine et propose au joueur d’incarner le personnage principal d’un "épisode de la colonisation spatiale humaine" dans lequel il sera ou non le seul maître à bord...
Le studio parisien Ocelot Society signe ici une aventure à la première personne mature et intelligente conduisant le héros, perdu dans une navette à la dérive, à trouver refuge dans les dédales d’un astronef abandonné. Cette bonne fortune, aussi improbable qu’énigmatique, est la seule planche de salut pouvant contenir un espoir de retour vers la Terre.
Une fois à l’intérieur du vaisseau, c’est un univers en 3D qui vous attend. Les textures sont simples mais mettent en avant le bon travail des développeurs, sans doute inspirés par les séries et films de science fiction produits entre les années 60 et 80. La première console de communication sous vos yeux n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’ordinateur central du Nostromo, remorqueur interstellaire au sein duquel le lieutenant Ripley tente de se débarrasser d’un passager peu amical (Alien, 1979). Ces ressemblances, qui peuvent faire office de clins d’oeil, sont visibles à l’écran mais se ressentent aussi dans les effets sonores et les animations des différentes salles explorées. Pour illustrer ces effets, nous pouvons revenir sur l’interface de communication, où le son des touches lors des saisies ou encore la voix synthétisée de l’intelligence artificielle omniprésente, nommée Kaizen, apportent un côté "rétro" des plus agréables.
Vous ne serez donc pas tout à fait seul dans le vide sidéral, Event[0] mettant en relief la relation "homme machine" et pose la question de la définition de la conscience au travers de dialogues avec une A.I. (Artificial Intelligence) qui est, tout bien considéré, assez aboutie et surprenante. Ne vous attendez pas à la répartie d’un Jarvis (Ironman) ou les réactions d’un Wall-E, nous en sommes encore loin. Nous nous rapprochons cependant beaucoup plus des nouveaux compagnons domestiques présents depuis quelques années dans nos foyers ou sur le point de l’être (Jibo, Buddy, Tapia, Pepper...).
Pas de méprise à la lecture de cette liste de "robots grand public", même si l’ambiance peut s’avérer par moment musicalement apaisante dans ce jeu vidéo, l’ordinateur de bord, Kaizen, ne pourrait convenir à un environnement familial. S’il peut se montrer d’un grand secours et très dévoué, il est également en mesure de manifester son mécontentement sans détour, avec les moyens à sa disposition...
Ocelot Society a programmé une "intelligence" en mesure de "modifier" son comportement en fonction de celui de son interlocuteur. Ce concept a bien entendu ses limites, néanmoins en ce qui concerne l’impression générale dégagée par cette intelligence artificielle, c’est assez réussi et ouvre en grand les portes de notre curiosité. On prend facilement plaisir à s’attarder devant le clavier pour approfondir la conversation avec Kaizen et découvrir son potentiel d’adaptabilité. A noter toutefois que le jeu n’est disponible qu’en anglais et que, de fait, un minimum de connaissance de cette langue est requis. Offrant une expérience de jeu tout à fait dans l’air du temps et des nouvelles avancées technologiques, centrée sur la relation avec une intelligence artificielle, on regrettera tout de même, dans Event[0], de ne pouvoir interagir avec le milieu qui nous entoure, hormis bien entendu avec les différentes boîtes de dialogue disposées aux quatre coins du vaisseau. Des indices sont éparpillés ça et là, mais aucune action n’est réalisable sans l’aide de l’ordinateur de bord. Cela ne nuit pas de manière importante au titre, mais aurait été un plus.
La durée de vie n’est pas astronomique, tout juste correcte (4 à 8 heures), tout dépend du temps que vous consacrerez à faire connaissance avec Kaizen. Il est vrai qu’avec un titre de ce type, nos exigences en termes de durée de jeu avaient été revues un peu à la hausse mais cela ne nous a pas gâché pour autant la partie. Il en est de même pour les temps de chargement qui, s’ils ne font pas office d’épouvantails, s’avèrent ennuyeux dans un ensemble pourtant si bien construit. Nous vous conseillons vivement de ne pas perdre la vie trop régulièrement, car avant de reprendre l’aventure il vous faudra patienter à chaque fois un bon moment. Une petite optimisation serait la bienvenue. Event[0] est un titre convaincant qui laisse présager des systèmes de jeu de plus en plus évolués. Nous ne pouvons que féliciter et encourager le studio parisien Ocelot Society à poursuivre dans cette voix car si leur première réalisation est encore perfectible, essentiellement concernant les temps de démarrage, de redémarrage et éventuellement la durée de vie du titre, elle est une nouvelle étape vers les consciences artificielles déjà en plein essor dans de nombreux autres domaines. Espérons que Kaizen soit l’une des prémices de l’avènement des A.I. vidéo ludiques...
Note 16/20 : "si on faisait une petite partie d’échecs ? - Joshua (Wargames, 1983)"